Toute algue verte se nourrie d'azote, entre autres. Puis le cycle de la vie fait qu'elle se décompose et s'échoue sur un rivage au gré des courants. Il est donc logique qu'un excès d'azote dans l'eau entraine un développement excessif des plantes qui s'en nourrissent avant d'aller pourrir en grande quantité sur les plages... C'est ce qui se passe dans l'étang de Berre avec les ulves (ulva rigida). Pour le Gipreb, le syndicat mixte qui travaille à améliorer l'état environnemental de l'étang de Berre, cette eutrophisation est la preuve visible de l'arrivée excessive de nitrates via les bassins versants, à savoir les eaux de la Durance du canal EDF (50% des apports), de la Touloubre et de l'Arc auxquelles viennent s'ajouter quelques stations d'épurations. Une pollution agricole, urbaine et industrielle.

A défaut de pouvoir agir à court terme sur les causes, il est impératif de ramasser ces ulves. C'est même un enjeu sanitaire pour les communes alentours afin d'éviter les désagréments olfactifs. Sans parler de la toxicité potentielle des gaz libérés. Mais que faire de ces tonnes d'algues ? Le projet « Alguex » de la société Eranova pourrait être une solution, à tel point qu'il est lauréat 2017 de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). L'idée est de valoriser ces algues vertes en les transformant en emballages et films plastiques pour une part (40%), et en nutrition animale d'autre part (60%). Après les tests concluants en laboratoire, Philippe Lavoisier, président d'Eranova va construire un démonstrateur industriel sur 1,2 hectare du GPMM, côté Port-St-Louis du Rhône au bout des « Tellines ». La société bénéficie pour cela d'aides financières de l'Ademe, de la Banque Publique d'Investissement et de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le permis de construire est déposé en mairie et si tout va bien, le chantier commencera en septembre 2018 pour un démarrage de la production expérimentale en fin d'année.

A terme, le déploiement industriel prévu dans le projet Alguex pour 2021 se ferait sur 40 à 50 hectares et générerait une cinquantaine d'emplois directs. Avec la mise en production, une partie des ulves serait utilisée comme inoculum (cellule souche) pour créer en interne de la biomasse supplémentaire car toute la production de l'étang de Berre ne suffirait pas pour satisfaire la demande prévisionnelle.

Cependant la question environnementale de fond n'est pas réglée, à savoir comment stopper ces rejets de nitrates. Ce qui renvoi à une deuxième question concernant la répartition des coûts relatifs au ramassage et à l'acheminement jusqu'à l'usine : qui paie quoi ? Aujourd'hui avec la "marée verte" de la Romaniquette à Istres, les services techniques de la Ville ont estimé ce coût à 220 euros la tonne d'algues, du ramassage jusqu'au traitement.