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Fos Epseal : un cocktail d'industries, un cocktail de pollutions, un cocktail de maladies

Fos Epseal : un cocktail d'industries, un cocktail de pollutions, un cocktail de maladies

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Fos Epseal : un cocktail d'industries, un cocktail de pollutions, un cocktail de maladies

M. Montagne M. Montagne
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C'est un peu la terrible équation qui ressort de l'étude menée par un groupe d'une dizaine de chercheurs à l'issue de 8 ans de travail en collaboration étroite avec les habitants de Fos et Port-Saint-Louis. Une étude dont les conclusions définitives ont été présentées au public ce jeudi soir

 Fos Epseal : un cocktail d'industries, un cocktail de pollutions, un cocktail de maladies
 Fos Epseal : un cocktail d'industries, un cocktail de pollutions, un cocktail de maladies

Les usines :
La zone industrielle de l'étang de Berre, c'est 400 sites dont 58 classés Seveso. La ville de Fos-sur-Mer se situe au cœur des principales activités: raffineries, pétrochimie, aciérie-métallurgie, stockage de gaz, dépôts pétroliers, un incinérateur sans oublier les incessants trafics routiers et maritimes, avec le grand port de Marseille-Fos, qui viennent alimenter les usines et débarquer les conteneurs de marchandises.

Les polluants :
Une des activités industrielles parmi les plus importantes d'Europe et qui fournit son lot de polluants divers et très variés : particules fines, hydrocarbures aromatiques comme le benzène, métaux lourds (plomb, chrome...), arsenic, dioxine...

Les affections : 
alors non seulement chacun de ces polluants est dangereux pour la santé mais de plus, leurs effets cumulés - l'effet cocktail - sont dévastateurs d'autant plus quand ils sont subis pendant de longues années. Cela débouche sur des cancers, diabètes, problèmes respiratoires comme l'asthme et les allergies, risques d'infertilité, affections cardiovasculaires...

L'étude Epseal : 
C'est pour mettre en évidence le lien entre les activité industrielles, leurs polluants et les maladies qui en découlent qu'une équipe de chercheurs franco-américains s'est lancée dans une étude participative en santé environnement ancrée localement, la fameuse Epseal.
Pour résumer très simplement, l'étude a croisé les résultats d'enquêtes auprès des habitants avec les analyses de spécialistes de la santé, une forme de collaboration entre professionnels et populations directement concernées, soit les habitants de deux villes - Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône - qui constituent le "front industriel" et dont la situation va être comparée avec ceux d'une ville-témoin et voisine mais située hors de cet arc industriel, Saint-Martin de Crau.
Au total, plus de 1250 personnes ont été questionnées, 70 ateliers participatifs se sont déroulés dans les trois communes confrontant les expériences des habitants et les analyses des scientifiques : généralistes, pneumologues, oncologues, sociologues...

Les résultats définitifs : 
ils ont été dévoilés au public présent ce jeudi soir, une soixantaine de personnes dont beaucoup d'anciens salariés des industries locales ou des membres de la très active ADPLGF, l’association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos, présidée par l'infatigable et tenace Daniel Moutet, figure locale incontournable (absent ce soir).
Ces chiffres reprennent peu ou prou ceux déjà révélés à titre indicatif lors d'une réunion publique en juin 2019, à savoir que le risque d'être victime d'une ou plusieurs affections citées plus haut est en moyenne 1,5 à 2 fois plus important pour les populations des deux villes du front industriel que pour les habitants de Saint-Martin-de-Crau ou encore comparé à la moyenne nationale. 

Un choc : 
Mais ce qui a réellement marqué les chercheuses anthropologues lors de leurs échanges avec les habitants de Fos et Port-Saint-Louis - ce dont elles n'avaient jamais encore été témoins à ce point lors de leurs travaux antérieurs - c'est ce terrible constat que l'idée de la maladie et de la mort est présente constamment dans l'esprit et les conversations de ces populations, idée qu'elles ont fini par accepter avec une forme de fatalisme.
Un fatalisme souvent mâtiné d'humour noir comme le montrent ces paroles d'habitants recueillis par les chercheuses : 

Paroles d'habitants : 
Habitant de Fos-sur-Mer : « Ce n’est pas Fos-sur-Mer c’est Fossuaire ».

Habitant de PSL : « A chaque fois, ils lâchent le gaz, les odeurs, je pense qu’on va tous crever avant l’âge légal ».

Habitante de Fos, 62 ans retraitée : « Ici les ¾ de la ville sont malades ».

Habitant de PSL, 69 ans : « de toute façon on va tous mourir ici, c’est sûr, et on va mourir bien avant les autres »

Femme, 55 ans, malade (cancer et fausses couches) : « Ici je vous le dis tout net c’est un cimetière vivant ».

Arnaud, 73 ans, ancien fonctionnaire Fos-sur-Mer : « Ils nous tuent pour de l’argent, ils nous empoisonnent, ils tuent la planète, moi je vous le dis il faudrait appeler les corses et mettre quelques bombes ça ferait du bien à tout le monde »

Habitant de Fos-sur-Mer : « Il y en a beaucoup qui meurent même les aveugles ils arrivent à le voir ».

Couple de retraités, 75 ans, bénévoles pour la paroisse de Fos : « Nous on travaille pour la paroisse, eh bien la semaine dernière on a eu une semaine fatigante, il y a eu 10 décès dans la semaine ».

Meryem Fos, 65 ans, femme au foyer, habitante de logement social, Fos-sur-Mer : « Ici on est tous morts il y a 95% de malades et les autres ils sont morts »

Habitante de Port-Saint-Louis : « Je connais trop de gens qui sont malades, le bassin il est contaminé »

Habitant de Fos-sur-Mer, 78 ans : « Ici c’est la Fosse-Mortuaire…» (rire)

Retrouvez des résultats et d'autres témoignages d'habitants ici


EN VIDEO, les témoignages de Marcel Musato, de Saint-Mitre, et de Patrick Noto, de Port-de-Bouc, tous deux anciens salariés d'ArcelorMittal à Fos-sur-Mer. L'intervention de Jean Fayolle, avocat et conseiller municipal d'opposition (majorité présidentielle) qui a entamé une procédure devant le tribunal administratif et qui témoignait de la difficulté à faire reconnaître par la juridiction le bien-fondé de l'étude Fos Epseal ; également les réactions de Valérie Féraud et de Jacqueline Menzago, adhérentes de l'ADPGLF.
Ainsi que l'interview de Johanna Lees, chercheuse anthropologue à Sausset et Marseille