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Marseille. Le site archéologique de la Corderie menacé d'enfouissement

  • Culture
  • 23/09/2021 à 09h00
  • 03:03
M. Chaix M. Chaix
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Le site classé monument historique en 2018 est aujourd'hui à l'abandon et en proie à l'érosion. L'Etat propose sa mise en terre pour le préserver. Certains collectifs, experts et riverains dénoncent une mort programmée de ces vestiges et ont manifesté hier pour s'y opposer

Le carnage archéologique se poursuit à la Corderie. Tout démarre en 2017 quand le groupe Vinci Immobilier pose ses tractopelles sur une parcelle du boulevard de la Corderie à Marseille. Le groupe prévoit de construire un énième immeuble dans le centre-ville.

Une opération de fouille préventive est alors menée et révèle la présence d'une carrière de calcaire dont l'exploitation remonte au Ve siècle avant J-C. Sur les 4000 m2 de carrière, seuls 635 sont finalement épargnés par la construction et classés monument historique en 2018 par Françoise Nyssen, alors ministre de la Culture. Cette reconnaissance officielle devait s'accompagner d'une mise en valeur du site et d'aménagements.

"Les enfouir, c'est les détruire"

Depuis, les vestiges côtoient cette immeuble dernière génération et sont placés sous bâches comme seuls remparts à la pluie. Pas de mise en valeur du site ni d'aménagements comme prévus par l'ancien gouvernement mais bien une érosion qui fait rage sur cette pierre. Une nouvelle fois, c'est à l'Etat de trancher sur son avenir. Pour assurer la préservation du site, les experts des services de l'Etat préconisent le réenfouissement de ces vestiges, c'est à dire leur mise en terre. Et cette décision est loin de mettre d'accord tous les experts.

"Les enfouir c'est les détruire tranche Michel Villeneuve, directeur de recherche honoraire au CNRS. Cette pierre repose sur de l'argile, l'eau qui s'y faufile va remonter par capillarité dans une roche qui est friable, et lorsqu'on ouvrira la carrière dans 10 ans, c'est un bac à sable que l'on retrouvera." 

"Le site doit être conservé et visité"

"On a réussi à détruire la seule pierre qui date de la création de Marseille" se désole Michel Villeneuve. Comme s'il n'y avait pas assez de place dans la ville pour construire ! Collectifs et habitants se sont mobilisés hier sur le site pour proposer une autre alternative que celle du réenfouissement. "Ce maigre espace qui a été épargné doit être conservé et visité, il s'agit de notre héritage" explique Joelle, présidente du CIQ de Saint-Victor.

Certaines associations plaident pour que la pierre reste à la surface tout en étant recouverte de fenêtres vitrées pour assurer sa conservation.  Pour Vincent* archéologue et également membre du CIQ, il faut en parallèle poursuivre les fouilles. "La carrière commence ici mais s'étend jusqu'à St Victor explique-t-il. Des joyaux peuvent encore sortir de terre". 

La Mairie en faveur d'un "jardin patrimonial"

De son côté, la nouvelle municipalité plaide pour la création d'un "jardin patrimonial". "La position de la Mairie est toujours la même que lorsque l'Etat l'a sollicitée le 12 novembre 2020. Nous souhaitons porter un projet de valorisation sur place et de visibilité des vestiges" explique Jean-Marc Coppola, adjoint au maire de Marseille en charge de la Culture. Nous sommes maintenant en attente de réponses de la part des services compétents."

La Mairie devrait recevoir dans les prochaines semaines les riverains, associations et experts opposés à ce projet. Peu d'espoir cependant pour que le projet n'aboutisse pas. Dans un communiqué envoyé hier soir, la Préfecture de Région a réaffirmé sa volonté de réenfouir le site. Elle précise : "Cette option est la plus à même de préserver le site, les services de l'Etat sont mobilisés pour mettre en oeuvre l'opération".

 

* Le prénom a été changé

En vidéo, l'extrait de l'interview de Michel Villeneuve, directeur de recherche honoraire au CNRS